mercredi 4 septembre 2013

The Image Has Cracked du groupe Alternative TV (1978)


Il s'agit ici de ma première critique d'album. Alternative TV est un groupe londonien de post-punk composé au moment de l'album de 4 vingtenaires. On est en 78, le groupe qui s'est formé deux années plus tôt a déjà sorti plusieurs singles et sort enfin son premier album.

Ses principales influences viennent du célèbre groupe allemand de rock expérimental et progressif Can ou encore des Ramones.

Politiquement nihiliste, ce sont des révolutionnaires, qui comme de nombreux punk souhaitent une révolution par la force afin de sortir du système de la consommation excessive, qu'ils trouvent absurde et pour revenir a plus de liberté. A contrario, les hippies sont des révolutionnaires pacifiques. Bon c'est stéréotypé... Enfin, toujours est-il que l'on peut observer encore aujourd'hui deux groupes qui ont en commun le rejet de la société pour des raisons souvent similaires, mais par des modes d'action diamétralement opposés.

Ah et les nihilistes n'acceptent pas les contraintes que peut avoir la société sur l'individu, ils souhaitent se gérer par eux-mêmes afin de vivre bien et en bon terme avec les autres, la liberté avant tout. C'est une des branches de l'anarchisme. Ils déplorent aussi l'absurdité du monde, décrivant des domaines comme la sociologie, l'histoire, la philosophie ou la politique comme étant dénué de sens.

Passons à l'album... The Image Has Cracked est teinté de nombreuses tonalités différentes aussi bien sonores qu'émotionnelles. L'évolution de cet album est très marquante.

Le début est déchainé, en écorché vif tourmenté, Mike Perry chante avec ses tripes. Pesant parfois mais jamais de manière unilatérale car pleine de petites originalités, les premiers titres sont sur le même registre. Good Times par exemple commence et se termine avec un pré-enregistrement, le morceau est pourvu de changements de rythmes abruptes le rendant surprenant. Certains plus calmes mais aussi froids, traitent du désespoir dû à un avenir sombre, sans issue, du manque de liberté tel que Still Life.

Une transition s'amorce : Nasty Little Lonely est un morceau lent, plus doux, la batterie se fait plus discrète, ce sont avant tout la voix cassée de Mike Perry et la basse qui impriment le rythme et la trame à ce titre très prenant.

La transition continue avec Red, exclusivement instrumental, composé de sonorités bruyantes qui s'engouffrent profondément et se perdent dans des horizons sombres et lointains.
Le morceau qui suit est très brouillon, l'enregistrement est d'une mauvaise qualité et clôture la transition. Une page se tourne.

Et là ! Surprise ! Un morceau plus chaleureux influencé par le reggae ! Et oui, c'est un groupe qui s'inspire du reggae aussi ! Une belle opposition avec le Punk précédent, Love lies Limp est plus léger, plus fantaisiste. Comme si le groupe cherchait à concilier les deux oppositions : celle qui veut une révolution par la violence et l'autre par la paix. Amour et humour sont mélangés. Le morceau qui suit prend une forme plus classique du punk mais, garde son côté léger, presque bon enfant, comme si tout d'un coup malgré les galères, il fallait quand même prendre le bon côté des choses. Les morceaux sont plus accessibles critiquant par exemple l'apathie des jeunes. La suite se compose d'un morceau influencé par le blues pour Another Coke puis teinté jazzy et reggae chez Life after Life.

Ce ne sont pas les originalités qui manquent ni les variations d'ailleurs, il y en aurait presque pour tous les goûts : la seule constante c'est la voix éraillée de Perry énonçant des paroles toujours critiques. Et encore pas pour le très hallucinogène The Force is Blind, composé de sifflements saturés, de clochettes, de basse et de cris suraigus, dans une ambiance de film d'horreur. Le dernier morceau original est un titre qui monte en puissance dont le rythme ne cesse d'augmenter, jusqu'à la fin.

Bref, un bon album, des morceaux très inspirés, d'autres moins, on sent une recherche d'originalité, de renouveau de la musique avec ce mélange de genres et de sonorités, ils prendront d'ailleurs un tournant plus expérimental dans les albums qui suivront.

2 commentaires:

  1. Par roro :"j'ai quelques soucis avec ton utilisation du mot "nihilisme". Il peut certes avoir un sens politique - il désigne la frange la plus radicales des anarchistes russes, du genre ceux qui brulaient les récoltes pour que le peuple affamé se révolte - mais on est pas tellement dans ce contexte avec les gars d'Alternative TV : ce sens-là a jamais trop été employé hors de la Russie à part par les lecteurs de Dostoïevski, et encore moins depuis l'Après-Guerre. Le sens plus répandu du mot est son sens philosophique : en gros, la négation de toute signification de la vie, de toute vérité et de toute valeur - tout ce qu'on a cru définir sous ces termes n'est - selon un nihiliste - qu'une pure convention qui nous évite de nous confronter au grand vide existentiel de l'univers. On dit souvent que le mouvement punk est nihiliste, et c'est justement dans ce sens-là : rejet radical de tout bon goût, toute morale, toutes valeurs... Affirmation de la vacuité d'absolument tout ce qui existe (si on regarde, pas grand chose a pu échapper à la critique des punks). "Je suis fier de ne rien faire" (les Olivensteins), "I kill children" (DK), "Je vous hais, je veux vous voir mourir et vous entendre gémir" (Komintern Sect), la liste est longue. Et là on a un problème : le nihilisme philosophique est quasi-incompatible avec un engagement politique - pour une raison simple : qui dit politique dit projet, espoir, conviction qu'il est existe un bien, une justice... En fait les nihilistes proclament plus l'absurdité du monde qu'ils ne la déplorent comme tu le dis. Il leur arrive de se révolter (souvent même : tout est absurde à leurs yeux, tout devrait être permis aussi), mais comme le dit le bon Raoul, ça fait pas tout, et loin de là : encore faut-il avoir l'idée de ce qu'on veut replacer à la place de qui a été détruit. Sinon il s'agit juste du plaisir de foutre la merde - et c'est au mieux un premier pas qui appelle à être dépassé. Révolte n'est pas révolution. Alors évidement, ce dépassement a été tenté très vite : c'est la raison d'être des scènes anarcho-punk (Crass est actif dès la fin des 70s si tu veux situer). Elles ont justement combattu le nihilisme, comme une perversion menant à la passivité, l'autodestruction (l'usage des drogues dures notamment, très répandu chez nos amis keupons), la puérilité... Songe par exemple que la communauté Straight Edge apparaît au milieu des années 80 au sein de la scène punk hardcore ricaine. Un groupe plus récent qui a très violemment critiqué le nihilisme punk c'est A//Political (checke les paroles de Stop Thinking and Pogo elles valent le détour)."

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  2. Par roro :"Autre sujet épineux : le rapport aux hippies. On connait le cliché : Johnny Rotten et son t-shirt "I hate Pink Floyd", "never trust a hippie"... J'ai lu je sais plus où que certains mecs se cachaient pour fumer des joints, parce que ça faisait trop hippie (plus que les amphets, forcément... qui étaient mal vues à l'époque hippie : Lemmy s'est fait virer d'Hawkwind parce qu'il avait ça sur lui en 75 :) ) Là aussi, tout est difficile à englober d'une traite. Globalement, les punks se veulent bien sûr l'opposé absolu des hippies : contre leur optimisme (on revient à l'idée du nihilisme, qui aime par dessus tout voir les choses en noir), leur bien-pensance, leur recherche de valeurs d'amour... Mais aussi leur musique : s'il y a une opposition entre les deux elle est avant-tout dans la façon de s'exprimer : finis les longs morceaux, la virtuosité, la poésie, vive la violence et la spontanéité. On voulait revenir à la racine du rock, bête et méchante, faire comme si la décennie 67-77 avait été une parenthèse à oublier - d'ailleurs, les B52s calquent leur son et leur imagerie sur les années 50, comme une redécouverte. En revanche, ça devient plus compliqué quand on se penche sur les idées (pour ceux qui en avaient, d'un côté comme de l'autre). Certes, comme tu le dis, il y a eu un rejet de l'idée bien hippie selon laquelle l'amour et la pensée positive pouvaient changer quelque chose : lors de leur période anar radicale The Ex avaient pour refrain : "We don't wanna fight for love and peace, we don't need no love and peace" (sur Apathy Disease), Lucrate Milk a une chanson qui s'appelle "Fucking Pacifist". Mais en même temps, dans la contestation sociale il y a une claire filiation entre les deux mouvements : ce qu'on appelle aujourd'hui l'anarcho-punk s'appelait "peace-punk" dans les années 80 et son symbole était celui des hippies (celui qui ressemble au logo Mercedes, je crois pas qu'il ait de nom), il faut le savoir. Idem, les pratiques se rejoignaient largement, et en particulier chez les Crusties anglais : vie en communauté, promotion du pacifisme, critique de la marchandise et aussi le look : c'est eux qui ont introduit les dreads/vêtements de clodo dans le milieu punk, à côté des crêtes et docs. Suffit de voir la gueule de mecs comme celui de The Mob (http://www.lastfm.fr/music/The+Mob/+images/25895549) ou des gars d'Antisect (http://www.lastfm.fr/music/Antisect/+images/42850635) pour voir le lien. GISM a une chanson qui s'appelle "Punk is hippies", mais c'est peut-être humoristique/juste nawak, on sait pas trop avec eux. Bref, les deux mouvements étaient parfois moins opposés qu'on ne veut bien le croire, si on y regarde en détail.
    Et Alternative TV dans tout ça? Pour être honnête je connais pas leurs idées, donc ça va être un peu compliqué pour moi d'en parler (je crois pas que les paroles soient dispo sur le net en plus). Juste, j'entends pas trop trop le côté "écorché vif tourmenté" que tu y vois :s Pour moi c'est plus un groupe orienté fun, déconne et rock n'roll que militantisme (bon on est d'accord, toute forme de fête est potentiellement révolutionnaire, mais potentiellement seulement). Après comme j'ai dit, je connais pas leur paroles ( à part celles de Viva la Rock n'roll, faciles à décrypter pour la majorité, et plutôt légères - une énormissime reprise a été faite par Savage Republic d'ailleurs, meilleure que l'originale - et celles de Why Don't You Do Me Right, qui est une reprise de Zappa donc plutôt humoristique/parodique), enfin ça reste une question de perception. Ce qui est sûr que c'est un groupe très DIY, ce qui est déjà un bon point. Et musicalement ça fait le boulot. Ah et bon à savoir : l'album original s'arrête à Splitting in two, le reste c'est du bonus."

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