samedi 14 septembre 2013

Moonrise Kingdom par Wes Anderson (2012)



Alors que l'adulte qui aime écrire, tend à composer sur l'émotion par la poésie, on se rend compte que l'enfant lui peut être poète naturellement. Il s'émerveille de choses qui nous semblent futiles, ce qui purifie ses pensées et le rend plus vrai. Le plus dur dans n'importe quel domaine, c'est d'agir simplement. Un sportif va s'entraîner ardemment jusqu'à faire le geste le plus parfait possible, sans mouvements inutiles, le mouvement le plus simple, le plus naturel. Le même principe s'applique à l'écriture : il est difficile de rédiger de manière juste, précise et simple, cela demande beaucoup de persévérance. On a toujours tendance à en faire des caisses, à contourner le problème au lieu de l'affronter directement. Moonrise Kingdom nous rappelle cela, les enfants qui jouent les rôles principaux de la narration, ne parlent pas beaucoup, ne font pas transparaître grandement leur état d'esprit, cela reste minimaliste, par un regard par exemple, mais cela suffit à nous faire percevoir des émotions, qui demanderaient beaucoup de temps et de travail à décrire par la plume.

On est sur une île où ce sont les enfants qui mènent la barque, les adultes sont moins nombreux et n'ont que peu d'influence. Il s'agit donc d'une situation de film classique, où les adultes n'ont pas leur place. L'île est sauvage, belle, un parfait terrain de jeu, toujours rien de nouveau sous le soleil. L'originalité, c'est la froideur. Les enfants ne se laissent jamais allé à rire, à crier ou à pleurer, ils sont de marbre. Le flegme est continuel. Et c'est fascinant de voir un film d'enfants sous cet angle. C'est une histoire d'amour entre deux enfants, Sam (Jared Gilman) et Suzy (Kara Hayward), que les adultes cherchent à éloigner et qui font tout pour rester ensemble. Mais avec une grande pudeur, une retenue adulte, Suzy et Sam s'embrassent, mais ne se laisse jamais aller à un amour inconsidéré.
Ces deux enfants sont rejetés par leur camarade, car ils sont différents, comme cela se fait couramment durant l'enfance, puis leur camarade se remettent en question, ce qui est un comportement très adulte, puis leur viennent en aide. A aucun moment il y a un merci, ou une tendresse quelconque. Le tout reste froid, militaire, mais tout de même touchant. D'ailleurs au contraire, ce sont les adultes qui se laissent dominer par leur émotion : colère, empathie, douceur. On se demande d'ailleurs dans la scène entre le policier qui garde l'île, le capitaine Sharp joué par Bruce Willis, et Sam, qui est l'enfant et qui est l'adulte. Sharp parle beaucoup pour finalement ne pas dire grand-chose, Sam parle peu mais avec justesse, il semble avoir une autorité naturelle, mais étrange pour son âge. Cette inversion des rôles est surprenante et amusante. Aussi, les enfants sont d'une violence froide entre eux, comme le montre la scène du coup de ciseau dans le dos et la mort du chien tué par une flèche d'un enfant, alors que les adultes sont très pacifiques. Mais finalement, Sam est en quelque sorte sauvé par Sharp qui lui propose de vivre avec lui, il reprend un peu le contrôle. 


Afin de rendre compte le mieux possible de la poésie, Wes Anderson et Roman Coppola (le coécrivain) nous font entrer dans le domaine du fantastique, c'est-à-dire de l'imagination. Je le disais au début, l'enfant est un poète naturel grâce à son imagination débordante, car il n'a que peu de limites, moins de contraintes et l'émotion n'est donc pas inhibée. L'adulte au contraire doit intellectualiser ce que l'enfant pense, et ce qui s'en rapproche le plus est l'écriture de fantastique. Fantastique qui intervient quand le personnage principal reçoit la foudre sur lui, survit, puis obtient la capacité de faire des baisers électriques. L'adulte apprécie la scène par son aspect irréaliste mais ludique, l'enfant lui, aime cela car il est déjà dans son monde, les histoires qu'ils créent peuvent avoir ce genre d'issu, il se reconnait donc dans cet événement et s'y identifie. Pour lui, la poésie ce n'est rien d'autre qu'une de ses histoires. C'est avec un recul important que l'on peut apprécier la poésie à sa juste valeur, car elle est difficile à traduire pour un adulte, sauf s'il est capable de se laisser aller à voguer au gré de son imagination, tout en ayant la présence d'esprit d'écrire, ce qu'il voit, ce qu'il ressent.

Ce film est surprenant et onirique, par sa trame, ses paysages, ses très belles musiques et ses petits acteurs.

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