samedi 21 septembre 2013

Les deux anglaises et le continent par François Truffaut (1971)

Ann (Kika Markham) et Muriel Brown (Stacey Tendeter)

François Truffaut


Les Deux Anglaises et le Continent est un ouvrage de Henri-Pierre Roché paru en 1956, Truffaut s'inspire de cette histoire pour en faire un film qui juge comme étant son chef d'oeuvre, malgré de dures critiques durant sa diffusion en 1971.

Car Truffaut a mis dans ce film toute son âme, ce qu'il renfermait en lui de plus profond, de plus intime. Déprimé depuis la rupture avec Catherine Deneuve, Truffaut se retrouve dans une déprime bien sombre, qu'il arrive à dépasser après un passage en cure de sommeil à l'hôpital, avec pour seul livre, l'ouvrage de Roché. Afin d'achever son rétablissement et les nerfs toujours à fleur de peau, il conçoit ce long métrage, surement le plus personnel de sa filmographie. Il fait d'ailleurs lui-même la voix off. Subissant des pressions, il coupe de nombreuses scènes qu'il remettra pour certaines en 1984, peu avant sa mort, refaisant tout le montage du film afin de satisfaire sa vision et nommant le film simplement Les Deux Anglaises. Il est alors âgé de 52 ans.


La trame se déroule durant la première décennie du XX siècle entre deux pays, la France et le Pays de Galles. Le héros Claude Roc, joué par Jean-Pierre Léaud se retrouve invité chez les deux sœurs d'une amie de sa mère, Ann (Kika Markham) et Muriel Brown (Stacey Tendeter).


Le film est intéressant car il nous permet de comparer deux milieux diamétralement opposés, Paris : urbain et français et un petit village du Pays de Galles : rural et anglais, cela au début du XXe. On peut donc admirer l'écart d'éducation qu'il y a entre Claude et les deux soeurs qui ont toujours vécues recluses. Etonnamment, c'est lui qui semble être le plus mal à l'aise, le moins indépendant des trois. Cela, à cause d’une mère très autoritaire qui décide à sa place avec qui il devrait passer sa vie. Il est plus à l'aise sur un seul plan, celui de la sexualité, où il exprime le caractère normal des maisons closes françaises, face à l'état d'esprit très puritain des deux sœurs qui en sont à la fois étourdies et fascinées car ce n'est pas du tout leur monde.

Ann et Muriel sont plus indépendantes grâce à une mère qui les laisse vivre leur vie, une mère moins protectrice, bien que dictée par la religion. L'œuvre souligne donc l'importance du milieu qui nous a éduqué et surtout la difficulté de s'en détacher. De fil en aiguille, Claude va tomber amoureux de Muriel, puis d'Ann une fois  revenue à Paris. Esclave de ses sentiments il engendre de la jalousie entre les deux sœurs. Les deux relations qu'il a avec l'une puis l'autre, sont bien différentes, avec Muriel l'amour est long et platonique, celle avec Ann est physique, temporaire et sujet à une infidélité consentie. Ann montre le besoin d'être infidèle afin de faire perdurer son amour pour Claude. Muriel étant plus religieuse, ressent le besoin de se montrer froide et timide pour cette même raison. Car, Claude n'est absolument pas maître du déroulement de sa vie, il vogue au gré des humeurs de sa mère et des deux sœurs, son mot à dire n'a que peu d'influence.

Pureté et dévotion d'un côté, romantisme et sensualité de l'autre. Toujours est-il que le romantisme de l'époque se traduit exclusivement de deux manières dans cette œuvre. Soit l'immédiateté de l'assouvissement des sentiments amoureux, soit son report pur et simple. Ceci entraîne une évolution toujours fâcheuse et frustrante des événements aussi bien pour Claude que pour nous. L'amour à portée de main finit toujours par être décliné pour d'obscures raisons par l'une puis l'autre sœur. De même, Ann alors atteinte de la tuberculose, va se laisser mourir plutôt que de faire appel à un médecin, elle a alors moins de 30 ans.
Cette maladie était à l'époque fréquemment guérie par des cures de soleil et de plein air... On a du mal à comprendre la raison pour laquelle elle se laisse mourir, peut-être par amour pour Claude qui est amoureux des deux soeurs. En tout cas cet événement nous fait réfléchir sur l'aisance qu'à la vie de nous la retirer, son caractère brutal et aléatoire.

Le film met en exergue l'importance majeure des correspondances épistolaires, seul lien avec les proches, éloignés géographiquement.

Le ton des dialogues du film est d'une réserve théâtrale, il semble peu naturel. On a parfois l'impression que les acteurs lisent l'œuvre de Roché, au lieu de la jouer, il est difficile de trancher si c'est un style utilisé par Truffaut ou un réel problème d'acteur. En tout cas, cela ne choque qu'au début, on s'y fait très vite.

Le film reçut un accueil mitigé car à contresens de son temps : après 68, le temps était à la liberté sexuelle et non à l'amour platonique, à un amour qui a toujours des conséquences tristes et frustrantes. Personnellement, je l'ai trouvé assez troublant car les personnages me semblent assez masochistes, a toujours écarté un bonheur accessible par crainte de celui-ci, mais aussi touchant car l'amour y est très joliment raconté. L'amour qui est d'ailleurs toujours le thème principal de ces films de la Nouvelle Vague. Le film est long, près de 2h30, mais il me parut très court. D’ailleurs la fin est brutale, je ne pensais pas que cela se terminerait sans réelle chute, c'est assez déconcertant de voir Claude laissé à son triste sort.

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