Socrate est mort. Phédon présent lors de ses dernières heures fait part à
Echecrates, le dernier discours que Socrate leur a tenu à lui, Simias, Criton
et Cébès. Platon rapporte le tout dans l'ouvrage que je vais commenter.
Avant toute chose, il faut savoir qu'Emile Chambry, le responsable des notes et
de la traduction de l'édition que j'ai de l'oeuvre, émet souvent de nombreux
doutes au fait que ce soit bien les paroles de Socrate qui seraient rapporté
par Platon, mais au contraire que cela serait des pensées de Platon lui-même.
Platon, disciple de Socrate, se servant de la notoriété de son maître afin de
répandre et faire accepter ses propres idées. D'un autre côté, il prend le
risque que l'on ne sache pas qu’il est un penseur de génie, acceptant de donner
ses idées au nom d'une autre personne, garantissant du coup tous les honneurs à
Socrate. De plus, cela pourrait donner une mauvaise image de Socrate, ou en
tout cas une image faussée. Me mettant à la place de Platon, je chercherais à
donner la vision la plus juste de mon maître, afin que l'on sache le plus
précisément qui était Socrate, Socrate qui n'a jamais écrit d'ouvrage de sa
vie. Bref, c'est complexe. Et bien qu'il y ait des indices prouvant qu'il
s'agit bien des pensées de Platon, on ne peut savoir dans quelle mesure elles
sont présentes dans Phédon, ni à quel point elles ont pu être influencé par
Socrate. Donc, on n'en sait rien et on ne peut savoir, à moins d'être
spécialiste des philosophes grecques de cette période, ce que je ne suis pas.
Bon, néanmoins, si Socrate a réellement vécu sereinement ses dernières heures,
on peut en effet penser qu'il était assuré de continuer son existence après sa
mort. Bien que selon Chambry qui rapporte les propos d'Aristote sur Platon,
l'immortalité de l'âme est une vision plus proche de Platon que de Socrate.
Donc, on n'en sait toujours pas plus. Ce qui est sûr, c'est que c'est bien de
la mort que traite l'ouvrage Phédon, qui
est aussi un des amis de Socrate et pour ne pas être trop confus, nous
parlerons "du" ou de "le Phédon" quand nous parlerons de
l'ouvrage (je viens de comprendre pourquoi on disait toujours "Le
Phédon"...).
La mort selon tous ces philosophes, c'est la séparation de l'âme et du corps.
L'âme étant immortel, elle continue son chemin. Le corps, mortel, s'éteint
durant la mort. Au contraire, la vie est le moment où l'âme s'attache à un
corps. Selon que l'âme soit bonne ou pas, elle va se retrouver dans le corps
d'un animal plus ou moins noble, le plus noble étant l'Homme. Socrate décrit
cela de manière très poétique. Lors de la mort, les gloutons ou ivrognes
verraient leur âme agrippée par une partie du corps, alourdit, elle ne pourrait
s'élever vers les cieux afin d'y être jugée. L'âme resterait donc sous forme
spectrale au niveau de la surface de la planète pour hanter les vivants,
jusqu'à ce qu'elle soit ramenée à la vie, entrant alors dans le corps d'un âne.
Les injustes, tyrans rentreraient eux, dans le corps d'un loup, d'un faucon ou
d'un milan. Quant aux âmes bonnes, elles rejoindraient le corps d'une guêpe,
d'une abeille, d'une fourmi ou reprendrait vie dans le corps d'un être humain.
Enfin, seul un véritable philosophe a le potentiel, pour rejoindre les Dieux,
ce qui peut se déterminer lors du jugement dans les cieux. Les âmes qui ne
pourraient se repentir seraient détruites.
Tout ceci m'a beaucoup fait rire. Que seuls les philosophes puissent vivre avec
les Dieux, je trouve que Socrate ne se mouche pas du coude comme on dit, je
veux bien qu'il défende son bifteck mais quand même, là il dit ça sans
vergogne. Autre chose, pour lui le corps d'une guêpe, d'une fourmi ou d'une
abeille équivaut à celui d'un Homme, il avait vraiment une très haute estime
des insectes. Je me demande bien d'où ça vient, en tout cas c'est fascinant.
Rappelons le contexte : personne ne croit en la vie après la mort, donc
que Socrate l'ait pensé ou non de son vivant, on fera comme si, de tel propos
sont très nouveaux, et donc Socrate doit faire ses preuves et prouver que l'âme
est immortelle. Il est logique pour lui que ce soit le philosophe qui accède à
la vérité car il l’a recherché toute sa vie. Je m'explique, le corps empêche
l'âme de bien réfléchir, il faut donc négliger ce corps afin de mieux penser.
Et le meilleur moyen d'y arriver, c'est de mourir, donc de voir l'âme enfin
libre. C'est pour cela qu'il dit qu'un philosophe s'entraine toute sa vie à des
"petites morts" (pas à des orgasmes ! c'est tout le contraire).
Le discours se fait donc entre Socrate et Simias, Phédon, Criton et Cébès, qui
acquiescent sans cesse pour marquer leur accord jusqu'à la fin de
l'argumentation de Socrate, jusqu'à ce qu'ils finissent par poser de nouvelles
questions. Cette forme utilisée par Platon, est un peu lourde, car ils sont
tous toujours d'accord, alors qu'il y a des choses à redire sans arrêt, et ne
laisse donc pas la place à un vrai débat. Néanmoins cette forme de conversation
facilite la compréhension, même si elle engendre aussi de nombreuses redîtes et
un déroulement de l'argumentaire long.
Voilà comment Socrate démontre que l'âme est immortelle. Il y a un équilibre
entre les contraires : beau/laid, grand/petit, vie/mort. Cet équilibre doit se
faire dans les deux sens : la vie engendre la mort et la mort engendre la vie.
Il part de l'étrange présupposé que le beau vient du laid et le laid du beau.
Ensuite, il explique que les notions absolues telles que l'égalité, le bon
absolu, le beau absolu sont connu dès notre naissance, de manière innée donc.
Elles ne dépendent pas de nos sens qui viennent du corps et donc elles viennent
d'autres choses. Elles ne peuvent venir que d'une vie antérieure qui serait
donc apporté par l'âme. Donc l'âme serait immortelle. Elle commanderait le
corps, comme une entité divine commanderait le mortel, ainsi lors de la mort
seul le corps se décompose. Simias et Cébès tentent alors de trouver des
contres arguments et la discussion continue sous cette forme : explication du
maître, questions des disciples.
Il est intéressant de voir que Socrate prend beaucoup de plaisir à contrer les
arguments des uns et des autres et aussi, de voir qu’il le fasse avec telle
aisance montre que c’était personnage très au-dessus de ses contemporains.
Socrate rassure, car s'il n'y a rien après la mort, l'espoir sera vain et par
empathie pour Socrate qui va bientôt mourir, les autres amis philosophes en
sont dévastés.
Pour prouver que l'âme est immortelle, il explique que les notions d'équités
sont connu dès la naissance et donc viennent de la réminiscence par l'âme,
c'est-à dire : le ressouvenir par l'âme de connaissances qu'elle a acquises en
dehors de son séjour dans un corps et qu'elle a perdu lors de sa
réincorporation. On peut tout de même se demander, si les notions de valeurs ne
viennent pas plutôt de notre environnement et aussi se demander si ces notions
n'apparaissent pas après l'arrivé de nos sens, donc quelques années après notre
naissance.
Un philosophe n'a pas à avoir peur de la mort car il sait que l'âme est
immortelle et qu'en plus son âme est bonne, vu qu'il a fait preuve de
tempérance. La tempérance, c'est la maîtrise de ses pulsions, le rejet des
plaisirs du corps. Seuls les plaisirs de l'âme sont autorisés : la réflexion.
Ainsi, si le vulgaire (comme dit Socrate) a peur de la mort, cela signifiera
qu'il a passé sa vie à rechercher les plaisirs du corps. Il est évident qu'il
est peu vraisemblable que Socrate n'ait jamais pris de plaisir en buvant ou en
mangeant, ou juste en se promenant. Disons que la tempérance ne peut être
parfaite.
Autre point, Socrate dit que le mal humain est de croire qu'un objet est clair
et vrai, alors qu'il n'en est rien. Il pense que le mal humain serait un
problème de perception, les sens de notre corps nous tromperaient dans notre
jugement et nous éloigneraient ainsi de la vérité, ce qui est très grave. Par
exemple, le cygne à sa mort chante joyeusement pour Socrate, alors que le
vulgaire le perçoit comme triste. Autre exemple, un raisonnement sur l'art nous
semblant juste pourrait par la suite nous semblait faux, une fois le sujet
mieux connu. Selon Socrate, si l’âme était seule, les raisonnements faux ne
pourraient exister. Les sens biaisent notre jugement et en plus, le corps nous
empêche de bien raisonner.
On peut alors se poser cette question : Débattre sans les connaissances
nécessaires est-ce utile ?
Il est vrai que débattre d'un sujet sans en connaître suffisamment, peut
semblait inutile. Car une fois le sujet mieux connu, on se rendra forcément
compte, que tous les arguments défendus de part et d'autres, tombent à l'eau.
Il faut donc reprendre le débat du début, et encore, l'opération peut se
répéter. Néanmoins, on se sera exercé à la réflexion, même si les présupposés
étaient biaisés et que les arguments et leur conclusion sont faux, ce n'est pas
rien. C'est juste que ça ne nous forme en aucun notre opinion ou pire ça nous
la façonne mal. Mais bon, il vaut mieux penser mal que ne pas penser du tout.
En aparté, il explique un point qui me semble très vrai, il décrit l'origine de
la misanthropie chez l'Homme. Il raconte que ce sentiment vient des déceptions
répétées provenant de nos amis les plus chers. On perd foi en l'Homme car on a
été déçu par ceux en qui on avait le plus confiance. D'un autre côté, c'est
passé à côté de l'essentiel qui est que chaque personne a du bon et du moins
bon en lui. Même en subissant le moins bon, il ne faut pas oublier ce qui était
positif chez l'autre, ce qu'il nous a apporté, sinon petit à petit, on se
renferme de plus en plus sur nous.
Pour conclure, Le Phédon de Platon c'était pas mal, les images de Socrate sont
parfois très belles et certaines réflexions sont intéressantes. Seulement les
échanges traînent en longueurs, alors qu'il n'y a même pas débat et les redîtes
sont nombreuses.
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