dimanche 15 septembre 2013

Le Phédon de Platon (-383)


Socrate est mort. Phédon présent lors de ses dernières heures fait part à Echecrates, le dernier discours que Socrate leur a tenu à lui, Simias, Criton et Cébès. Platon rapporte le tout dans l'ouvrage que je vais commenter.

Avant toute chose, il faut savoir qu'Emile Chambry, le responsable des notes et de la traduction de l'édition que j'ai de l'oeuvre, émet souvent de nombreux doutes au fait que ce soit bien les paroles de Socrate qui seraient rapporté par Platon, mais au contraire que cela serait des pensées de Platon lui-même. Platon, disciple de Socrate, se servant de la notoriété de son maître afin de répandre et faire accepter ses propres idées. D'un autre côté, il prend le risque que l'on ne sache pas qu’il est un penseur de génie, acceptant de donner ses idées au nom d'une autre personne, garantissant du coup tous les honneurs à Socrate. De plus, cela pourrait donner une mauvaise image de Socrate, ou en tout cas une image faussée. Me mettant à la place de Platon, je chercherais à donner la vision la plus juste de mon maître, afin que l'on sache le plus précisément qui était Socrate, Socrate qui n'a jamais écrit d'ouvrage de sa vie. Bref, c'est complexe. Et bien qu'il y ait des indices prouvant qu'il s'agit bien des pensées de Platon, on ne peut savoir dans quelle mesure elles sont présentes dans Phédon, ni à quel point elles ont pu être influencé par Socrate. Donc, on n'en sait rien et on ne peut savoir, à moins d'être spécialiste des philosophes grecques de cette période, ce que je ne suis pas.

Bon, néanmoins, si Socrate a réellement vécu sereinement ses dernières heures, on peut en effet penser qu'il était assuré de continuer son existence après sa mort. Bien que selon Chambry qui rapporte les propos d'Aristote sur Platon, l'immortalité de l'âme est une vision plus proche de Platon que de Socrate. Donc, on n'en sait toujours pas plus. Ce qui est sûr, c'est que c'est bien de la mort que traite l'ouvrage Phédon,  qui est aussi un des amis de Socrate et pour ne pas être trop confus, nous parlerons "du" ou de "le Phédon" quand nous parlerons de l'ouvrage (je viens de comprendre pourquoi on disait toujours "Le Phédon"...).

La mort selon tous ces philosophes, c'est la séparation de l'âme et du corps. L'âme étant immortel, elle continue son chemin. Le corps, mortel, s'éteint durant la mort. Au contraire, la vie est le moment où l'âme s'attache à un corps. Selon que l'âme soit bonne ou pas, elle va se retrouver dans le corps d'un animal plus ou moins noble, le plus noble étant l'Homme. Socrate décrit cela de manière très poétique. Lors de la mort, les gloutons ou ivrognes verraient leur âme agrippée par une partie du corps, alourdit, elle ne pourrait s'élever vers les cieux afin d'y être jugée. L'âme resterait donc sous forme spectrale au niveau de la surface de la planète pour hanter les vivants, jusqu'à ce qu'elle soit ramenée à la vie, entrant alors dans le corps d'un âne. Les injustes, tyrans rentreraient eux, dans le corps d'un loup, d'un faucon ou d'un milan. Quant aux âmes bonnes, elles rejoindraient le corps d'une guêpe, d'une abeille, d'une fourmi ou reprendrait vie dans le corps d'un être humain. Enfin, seul un véritable philosophe a le potentiel, pour rejoindre les Dieux, ce qui peut se déterminer lors du jugement dans les cieux. Les âmes qui ne pourraient se repentir seraient détruites.

Tout ceci m'a beaucoup fait rire. Que seuls les philosophes puissent vivre avec les Dieux, je trouve que Socrate ne se mouche pas du coude comme on dit, je veux bien qu'il défende son bifteck mais quand même, là il dit ça sans vergogne. Autre chose, pour lui le corps d'une guêpe, d'une fourmi ou d'une abeille équivaut à celui d'un Homme, il avait vraiment une très haute estime des insectes. Je me demande bien d'où ça vient, en tout cas c'est fascinant. Rappelons le contexte : personne ne croit en la vie après la mort, donc que Socrate l'ait pensé ou non de son vivant, on fera comme si, de tel propos sont très nouveaux, et donc Socrate doit faire ses preuves et prouver que l'âme est immortelle. Il est logique pour lui que ce soit le philosophe qui accède à la vérité car il l’a recherché toute sa vie. Je m'explique, le corps empêche l'âme de bien réfléchir, il faut donc négliger ce corps afin de mieux penser. Et le meilleur moyen d'y arriver, c'est de mourir, donc de voir l'âme enfin libre. C'est pour cela qu'il dit qu'un philosophe s'entraine toute sa vie à des "petites morts" (pas à des orgasmes ! c'est tout le contraire).

Le discours se fait donc entre Socrate et Simias, Phédon, Criton et Cébès, qui acquiescent sans cesse pour marquer leur accord jusqu'à la fin de l'argumentation de Socrate, jusqu'à ce qu'ils finissent par poser de nouvelles questions. Cette forme utilisée par Platon, est un peu lourde, car ils sont tous toujours d'accord, alors qu'il y a des choses à redire sans arrêt, et ne laisse donc pas la place à un vrai débat. Néanmoins cette forme de conversation facilite la compréhension, même si elle engendre aussi de nombreuses redîtes et un déroulement de l'argumentaire long.

Voilà comment Socrate démontre que l'âme est immortelle. Il y a un équilibre entre les contraires : beau/laid, grand/petit, vie/mort. Cet équilibre doit se faire dans les deux sens : la vie engendre la mort et la mort engendre la vie. Il part de l'étrange présupposé que le beau vient du laid et le laid du beau. Ensuite, il explique que les notions absolues telles que l'égalité, le bon absolu, le beau absolu sont connu dès notre naissance, de manière innée donc. Elles ne dépendent pas de nos sens qui viennent du corps et donc elles viennent d'autres choses. Elles ne peuvent venir que d'une vie antérieure qui serait donc apporté par l'âme. Donc l'âme serait immortelle. Elle commanderait le corps, comme une entité divine commanderait le mortel, ainsi lors de la mort seul le corps se décompose. Simias et Cébès tentent alors de trouver des contres arguments et la discussion continue sous cette forme : explication du maître, questions des disciples.

Il est intéressant de voir que Socrate prend beaucoup de plaisir à contrer les arguments des uns et des autres et aussi, de voir qu’il le fasse avec telle aisance montre que c’était personnage très au-dessus de ses contemporains. Socrate rassure, car s'il n'y a rien après la mort, l'espoir sera vain et par empathie pour Socrate qui va bientôt mourir, les autres amis philosophes en sont dévastés.
Pour prouver que l'âme est immortelle, il explique que les notions d'équités sont connu dès la naissance et donc viennent de la réminiscence par l'âme, c'est-à dire : le ressouvenir par l'âme de connaissances qu'elle a acquises en dehors de son séjour dans un corps et qu'elle a perdu lors de sa réincorporation. On peut tout de même se demander, si les notions de valeurs ne viennent pas plutôt de notre environnement et aussi se demander si ces notions n'apparaissent pas après l'arrivé de nos sens, donc quelques années après notre naissance.

Un philosophe n'a pas à avoir peur de la mort car il sait que l'âme est immortelle et qu'en plus son âme est bonne, vu qu'il a fait preuve de tempérance. La tempérance, c'est la maîtrise de ses pulsions, le rejet des plaisirs du corps. Seuls les plaisirs de l'âme sont autorisés : la réflexion. Ainsi, si le vulgaire (comme dit Socrate) a peur de la mort, cela signifiera qu'il a passé sa vie à rechercher les plaisirs du corps. Il est évident qu'il est peu vraisemblable que Socrate n'ait jamais pris de plaisir en buvant ou en mangeant, ou juste en se promenant. Disons que la tempérance ne peut être parfaite.

Autre point, Socrate dit que le mal humain est de croire qu'un objet est clair et vrai, alors qu'il n'en est rien. Il pense que le mal humain serait un problème de perception, les sens de notre corps nous tromperaient dans notre jugement et nous éloigneraient ainsi de la vérité, ce qui est très grave. Par exemple, le cygne à sa mort chante joyeusement pour Socrate, alors que le vulgaire le perçoit comme triste. Autre exemple, un raisonnement sur l'art nous semblant juste pourrait par la suite nous semblait faux, une fois le sujet mieux connu. Selon Socrate, si l’âme était seule, les raisonnements faux ne pourraient exister. Les sens biaisent notre jugement et en plus, le corps nous empêche de bien raisonner.

On peut alors se poser cette question : Débattre sans les connaissances nécessaires est-ce utile ?
Il est vrai que débattre d'un sujet sans en connaître suffisamment, peut semblait inutile. Car une fois le sujet mieux connu, on se rendra forcément compte, que tous les arguments défendus de part et d'autres, tombent à l'eau. Il faut donc reprendre le débat du début, et encore, l'opération peut se répéter. Néanmoins, on se sera exercé à la réflexion, même si les présupposés étaient biaisés et que les arguments et leur conclusion sont faux, ce n'est pas rien. C'est juste que ça ne nous forme en aucun notre opinion ou pire ça nous la façonne mal. Mais bon, il vaut mieux penser mal que ne pas penser du tout.

En aparté, il explique un point qui me semble très vrai, il décrit l'origine de la misanthropie chez l'Homme. Il raconte que ce sentiment vient des déceptions répétées provenant de nos amis les plus chers. On perd foi en l'Homme car on a été déçu par ceux en qui on avait le plus confiance. D'un autre côté, c'est passé à côté de l'essentiel qui est que chaque personne a du bon et du moins bon en lui. Même en subissant le moins bon, il ne faut pas oublier ce qui était positif chez l'autre, ce qu'il nous a apporté, sinon petit à petit, on se renferme de plus en plus sur nous.

Pour conclure, Le Phédon de Platon c'était pas mal, les images de Socrate sont parfois très belles et certaines réflexions sont intéressantes. Seulement les échanges traînent en longueurs, alors qu'il n'y a même pas débat et les redîtes sont nombreuses.

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