lundi 7 octobre 2013

Mount Chimaera des Brasstronaut (2010)



Transcendentalement subtil. Subtilement original. Entrainant, mais intérieur. On a envie de sauter partout, tant la rythmique est prenante, puis ressasser le passé tant les cuivres nous donnent à réfléchir. Mais c’est tellement contenu que la puissance de leur composition reste en nous, on est totalement habité mais jamais libéré.

Un mélange de Jazz et d’Indie Rock, si on tente de les rentrer dans une case. Il s’agit d’une œuvre totalement originale, innovante. Je mets au défi quiconque de trouver un groupe qui s’en rapproche (remarque, au vu de la quantité de formations différentes, ça doit se trouver).

Subtil disais-je, c’est peu dire. Instrumentalement, c’est incroyable de recherche, tous les instruments sont présents par petites touches : trompette, piano, voix, batterie, basse, guitare et clarinette. Grâce aux changements de rythme parfaitement sentis on ne peut s’ennuyer, d’autant plus qu’ils sont accompagnés par un changement d’état d’esprit tantôt radical, parfois plus harmonieux. On accueille alors dans un même titre des cadences et des sensations bien différentes : lente et mélancolique, mezzo et classe ou nostalgique, rapide et heureuse, rebelle aussi. Edo Van Breemen, chante d’une voix assez morne et ça produit son petit effet ; conséquence radicalement opposée : la musique est euphorisante.

Le rendu est impeccable, certains morceaux sont absolument parfaits : au moins les quatre premiers.
Six Toes le quatrième, mon morceau préféré, commence avec un petit solo de clarinette, derrière, un piano hypnotisant qui tourne en boucle et une batterie jouant le rôle de percussion comme on pourrait en voir dans les festivals de rue. La clarinette s’arrête, elle reviendra ponctuellement, et laisse sa place à cette voix mélancolique, éraillée et douce qui nous envoient des paroles oniriques :

« Your love is like an ancient sin
our instincts often lie
to dying dreams that stink of gin
and offer no replies
The shapes that used to shift and move
before your sleeping eyes
have all but gone and disappeared
into your stormy mind »

« Votre amour est comme un ancien pêché
nos instincts se couchent souvent
donnant des rêves mourants puant de gin
et ne donnent aucune réponse
Les formes qui habituellement changent et bougent
devant vos yeux dormeurs
sont pratiquement parties et disparaissent
dans votre esprit orageux. »

Le tout est parsemé de son de clochettes et d’une basse très en retrait mais qui suit parfaitement cette batterie insistante.
Puis changement de rythme total, transition parfaite : tout s’arrête sauf le piano qui joue quelques notes, la voix le suit de près, comme entourée d’une lueur d’espoir peut-être. Piano voix racontent lentement :

« A crucified man
can't be attached
to anything else »

Le ton monte progressivement en intensité, les cuivres et la basse deviennent prédominants, le rythme devient dansant. Dans le même temps, on atteint un palier où l’atmosphère change encore, rebelle, teintée de reproches. Puis ça explose, les cuivres partent dans tous les sens, le piano gagne en indépendance, la clarinette vibre de vie, tous les instruments aspirent à la liberté, pour un final très festif.

Ravan est un morceau accompagné de la voix de Bryan Davies. Un titre très classe, piano excité et contenu, basse lente et patiente et toujours cette voix mélancolique. Solo de basse, trompette, écho de voix fatiguée, éreintée par la vie, presque sans le désir de prolonger sa vie tant la lassitude est importante, mais elle conte tout de même, lentement et avec passion. Elle fait le récit d’une fille attristée par les événements vécus :

« Retenant la mer avec des moulins à vent
nous nous battons pour les plaines
repoussant la mer avec tirets et réglisses menteuses
tout ce temps passé dans des arches marbrées
tout ce temps passé dans des vies alternatives »

Somptueux solo de clarinette.
“Supernovas in my darkened heart… Supernovas in our darkened heart…”
Répétés à deux voix, encore et encore, vidant les dernières gouttelettes de volonté.

Les Brasstronaut portent bien leur nom, bien qu’originaire du Canada, lorsqu’ils débutent leur composition ils deviennent des musiciens du cosmos qui nous font voyager bien loin à peu de frais. Un travail méticuleux où rien n’est laissé au hasard afin de nous offrir un met des Dieux d’un goût exquis, que l’on se doit de consommer sans modération.

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